A propos d’une recension

… parue dans le bulletin d’AVES

L’ouvrage intitulé « Les oiseaux nicheurs des Hautes-Fagnes. Histoire et géographie des oiseaux nicheurs« , paru en 2004 aux éditions Eole, a fait l’objet d’une recension dans le Bulletin d’AVES (n° 43, page 102 de l’année 2006) sous la signature « L.B. », membre du Comité de lecture de cette association.

Cette recension, qui comporte plusieurs erreurs de fait, mérite quelques remarques :

– Pour prospecter 343 carrés, sur un terrain par endroits fangeux, le nombre d’observateurs (14) n’était pas très élevé. Concernant l’Atlas de Lesse et Lomme, par exemple, ils étaient une septantaine pour couvrir 279 carrés. De plus, dans les Hautes-Fagnes quatre observateurs seulement ont récolté 80 % des données. Le nombre d’observateurs., et le temps qu’ils pouvaient consacrer à l’exercice, était en réalité un peu court…

– Dans l’ensemble, le niveau des preuves de reproduction serait « faible« . S’il y a effectivement, sur les cartes de répartition, beaucoup d’indices de reproduction « possible », il conviendrait d’ajouter que l’adoption de dates pivots – propres à chaque espèce pour séparer les nicheurs possibles des migrateurs – accroît le niveau de ces preuves. Les oiseaux, qui chantent après la fin de leur migration, sont des oiseaux cantonnés. Comme aucun oiseau ne fait vœu de célibat, on pourrait, à la limite, considérer que la plupart de ces individus sont des nicheurs « probables » .

– La rareté de certaines espèces sur le Haut-Plateau – que suggère aussi l’atlas des oiseaux de Belgique -soulève par ailleurs certaines questions. Le fait qu’en Haute-Ardenne, le Grimpereau des bois par exemple soit bien représenté à 300-350 m d’altitude (à Membach, Schmitz in litt.) ne permet pas de conclure qu’il en va de même à plus de 500 m d’altitude, où le climat est plus rigoureux. Chez cette espèce, la diminution des effectifs est substantielle lorsqu’une pluie verglaçante ou un brouillard givrant -situations fréquentes sur nos hauts plateaux – enrobent les branches et les brindilles d’une couche de glace (Marchant et al. 1990). Cela dit, deux carrés seulement pour la zone étudiée, c’est vraiment fort peu. La population était certainement plus élevée, car des grimpereaux ont été vus dans 15 carrés, mais ils ne chantaient pas. L’identification à vue dans la lumière tamisée des pessières étant fort délicate, il valait mieux s’abstenir de leur coller un nom d’espèce. Pour ce genre de cas (heureusement rare), on devrait sans doute faire de la repasse. ..sans oublier que le Grimpereau des jardins peut imiter le chant de son congénère (Svensson et al. 2000). Leur réserver une étude « à part » est sans doute la meilleure solution. Comme l’a déjà souligné Van Beneden (1952), « Il s’agit d’un oiseau capricieux à l’extrême, présent ici, absent là, dans des milieux remplissant les conditions optima. » Et d’ajouter que « Présent certaines années, il est absent plusieurs années successivement pour réapparaître ensuite. »

Quant à la Mésange à longue queue, qui ne pose pas de problème d’identification, sa rareté dans la zone d’étude est troublante. LB parle de son « absence » alors que j’ai signalé sa présence dans les fagnes du NE. Les autres obs. ne l’ont pas croisée sur leur chemin ou aux points d’écoute. Pourquoi? Une partie des habitats du Haut-Plateau, les pessières fermées, comme les tourbières sans buissons, ne lui conviennent sans doute pas. Dans les fagnes du NE, sa rareté (1 à 5 couples seulement dans l’atlas de Belgique) est peut-être aussi attribuable aux hivers rudes (il y en a deux d’affilée durant notre enquête), un facteur limitant pour cette espèce. L’atlas de RW nous apportera peut-être des réponses à ces questions.

La prospection des Hautes-Fagnes exige toutefois des méthodes de collecte d’informations peu « invasives ». On ne peut pas piétiner les tourbières comme un terrain de football ou un champ de betteraves. Et dans les milieux buissonnants, on doit éviter de déranger les femelles de Tétras, une espèce particulièrement menacée.

– LB déplore aussi le manque d’observations des nocturnes. Il s’agit là d’un cas de force majeure: les observateurs n’étaient pas équipés d’un gilet pare-balles… La DNF avait interdit toute prospection nocturne de la Réserve et de ses abords (Hertogenwald) pour des raisons de sécurité. A cette époque et dans cette région, un réseau de braconniers était fort actif la nuit et il n’utilisait pas que du gros sel pour abattre le grand gibier. Cela dit, les lacunes concernent surtout trois espèces (Engoulevent, Chouette hulotte et Hibou moyen-duc). Par contre, le cas du Hibou des marais, espèce caractéristique des Hautes-Fagnes et souvent active de jour, est bien documenté et sa carte de répartition a été fournie aux gestionnaires de la Réserve domaniale.

– Selon LB, » Les noms des localités mentionnés dans les textes auraient utilement été cartographiés pour faciliter la lecture« . Ces noms et ceux des lieux-dits sont bien cartographiés pages 40, 41, 54 et 57 … Il n’est évidemment pas interdit de les photocopier pour les avoir toujours sous la main. Les recenseurs pressés éviteraient ainsi de se tromper … et de tromper leurs lecteurs.

– A propos de  »l’absence » de certaines citations dans la bibliographie, qui comporte plus de 500 références, il convient peut-être de préciser que les chroniques d’AVES ont été considérées comme une base de données unique. Les noms des nombreux auteurs de ces chroniques n’ont toutefois pas été oubliés : la page 468 de l’ouvrage leur est entièrement consacrée.

– La deuxième partie du livre dépasse de très loin le cadre des Hautes-Fagnes. C’est exact. Elle peut ainsi offrir à l’ornithologue l’information qu’il ne trouve pas d’habitude dans les atlas plus « classiques ». Le choix des facteurs retenus dans cet essai est volontairement limité, sinon il faudrait deux volumes pour les exposer tous. Certains m’ont paru plus utiles que d’autres pour comprendre les mesures de protection et de gestion préconisées. L’étude de certains de ces facteurs, comme le parasitisme, a par ailleurs fait d’énormes progrès ces quinze dernières années. L’actualité récente (grippe aviaire, virus du Nil occidental, …) justifie aussi ce choix.

-Par ailleurs, comme dans un certain nombre d’atlas, les cartes ne sont pas en couleurs et réduites au format A5 (problème de budget). C’est effectivement un handicap. Pour le corriger, une solution : colorier ces cartes et les mettre à la disposition des ornithologues sur

Internet. Gageons qu’AVES, qui s’est toujours « placée en tête du combat pour la protection des oiseaux » et qui se dit soucieuse « du développement de la recherche », nous aidera à trouver les fonds nécessaires pour réaliser ce projet …